J'avais oublié

J'avais oublié la fulgurance de cet amour, qui jaillit dès les premières secondes. Alors que finalement on se connaît à peine tous les deux.

J'avais oublié que tu serais si petit (mais vraiment petit), que je pourrais presque te tenir à une main sans difficulté.

J'avais oublié tes poings si serrés qu'il est presque impossible de les délier, et ses petites saletés qui se logent entre chacun de tes doigt, à se demander comment elles atterrissent là. (Parce que, bon, quand même, tu fais rien de tes journées !)

J'avais oublié tes premiers sons, autres que les pleurs, ceux que tu mets 5 minutes à essayer de faire sortir, qu'on attend, qui nous émerveillent, comme si il s'agissait d'un petit miracle.

J'avais oublié tes chaussettes, toujours trop grandes, dont une des deux ne tiendra absolument jamais sur ton si petit pied et va savoir pourquoi toujours le même.

J'avais oublié la façon dont tu peux te nicher dans le creux de mon cou, cet instant où, même épuisée, je me sens mieux que jamais.

J'avais oublié le volume de tes cris, les chuchotements pour ne pas te réveiller et les craquements du plancher maudit.

J'avais oublié la puissance de ton regard, celui qui dit tant de choses et dont il est presque impossible de se détacher, celui qui me fait sentir la personne la plus importante et la plus incroyable au monde.

J'avais oublié le bruit que tu ferais en tétant, le temps que ça prendrait, les difficultés puis la facilité comme si ça l'avait toujours été, ces sensations de montées de lait presque à heure fixe.

J'avais oublié ses vêtements qui paraissaient trop grands hier encore et dans lesquels tu ne rentres déjà plus aujourd'hui.

J'avais oublié la fatigue qu'on entasse, couche après couche, à croire qu'on n'atteindra jamais son plafond et qu'elle ne disparaîtra finalement jamais tout à fait. (Comme le panier à linge presque)

J'avais oublié tes salopettes, tes cols de chemises ou de polos qui finissent inévitablement dans ta bouche à peine posé tellement ton cou peine à soutenir ta tête.

J'avais oublié les heures à te bercer, les bras engourdis, les prières (sans être croyante) pour que tu ne te réveilles pas une fois posé.

J'avais oublié que tu serais déjà si éveillé dès tes premiers jours, qu'aucune de ses journées ne ressembleraient à une autre et que, finalement, rien n'est jamais acquis.

J'avais oublié, c'est vrai, des tas de choses que j'avais l'impression d'avoir déjà vécues avec les Grands, les souvenirs qui reviennent pendant qu'elles se déroulent sous mes yeux avec toi mais il n'empêche que je découvre aussi et toujours des petits moments rien qu'avec toi.

De ta façon de fourrer ton visage dans le creux de mon bras (jamais tes frères n'ont fait ça !), de tes nuits sans réveils dès tes premiers jours (non, mais ça c'est absolument dingue...et c'est vachement bien en fait), de ton cri si particulier quand tu es fatigué...

Alors j'essaye de noter ses quelques mots, les imprimer ailleurs que dans ma pauvre mémoire déjà en mal de Go pour ne plus oublier ce que je ne revivrai sans doute plus jamais.

Et tu peux faire la même chose en commentaire pour, toi aussi, ne pas oublier, et peut-être même rappeler de doux "j'avais oublié" à moi et à d'autres qui passeront par ici.