Mon plus lointain souvenir

Quand tu y réfléchis, quel est ton plus lointain souvenir?
Pas le plus beau ou le plus drôle. Pas le pire ni le meilleur. Pas celui que tes parents t'ont raconté des centaines de fois - "et je t'ai retrouvé en train de manger la terre des pots de fleurs" - pas non plus celui qui te provient d'un vieux polaroid usé et jauni ou d'une VHS où on te voit, flippant ta race devant le Pèlonel (alias Père Noël dans mon langage enfantin), mâchouillant le collier en grosses perles rouges prêté par ta mère pour l'occasion.
Non. Le plus ancien de tous, le plus vieux que tu irais chercher au fin fond de ta mémoire. 

Le mien est certainement un des plus banal, mais j'en reconnais encore les odeurs et les sensations.
Je devais avoir 2 ans, guère plus. Chez ma tante - ma Tatan comme je l'appelais - qui me gardait avant que je n'intègre l'école. Je nous vois toutes les deux en train de marcher, de monter une côte qui me semblait gigantesque de mes petits yeux de Mini, en haut de laquelle se trouvait une boucherie de quartier. 
Pas ces grands supermarchés qui peuplent désormais notre quotidien et nos patelins mais une simple petite boucherie-charcuterie où le boucher nous accueillait avec un grand bonjour, s'essuyant les mains rougies sur son tablier loin d'être immaculé.

Je ne sais plus ce qui s'est raconté, quel temps faisait-il ou le prix du jambon blanc au kg. Mais je me souviens parfaitement de l'odeur particulière qui y régnait. Et surtout je le revois me tendre une tranche de "saucisson rouge" dont on raffole quand on est Mini et que, j'en suis presque certaine, tous les bouchers refilaient aux Minis à l'époque. (Mais ça c'était avant) 
Je me remémore ma tante me disant la fameuse phrase "et qu'est-ce qu'on dit?", ce à quoi j'ai du répondre un grand "méssiiii". Ou pas.

Je nous vois sortir de la petite boutique, mon morceau encore dans la main, comme s'il s'agissait d'un trésor, le dégustant consciencieusement. Continuant notre route, passant devant l'église du village moyennement montagnard, à côté de laquelle se trouvait l'école de ma cousine, de 3 ans mon aîné et que nous allions attendre.
De mes yeux de Mini
©Elodie-Photography

Je ne me souviens de plus rien après ça. Juste de ce moment tellement banal, et apparemment si précieux pour moi pour que je m'en rappelle encore aujourd'hui. Cette petite bride de ma mémoire de Mini qui a traversé toutes ces années avec moi, jusqu'ici et que je suis la seule à avoir conservé certainement.

Pourquoi celui-ci plutôt qu'un autre? Je n'en aucune idée. Peut-être qu'un super scientifique m'expliquerait pourquoi je ne me souviens pas d'un autre moment fort, ou non, vécu avec mes parents et ma frangine par exemple, pourquoi ma mémoire occulte certaines choses et me fait garder ce flou morceau de cette journée. Et finalement, je m'en moque. Il me plaît bien ce petit épisode qu'on pourrait croire insipide. 

Il me fait me rendre compte que chaque moment compte, que l'on soit Mini ou adulte. Même le plus petit, le plus simple événement peut rester graver dans notre cerveau pendant des années, jusqu'à toujours. Jusqu'à maintenant.
Par extension, tu me vois sans doute venir, je me demande ce qui restera à nos propres Minis quand ils seront eux-mêmes adultes et parents (ou pas). S'ils se souviendront de nos jeux, de nos rires, de nos balades, de nos voyages ou des moments où il nous arrive de crier, de punir, de prévenir que "ça va barder si ça continue". Les moins bons donc. Ou si, comme moi, nous n'en ferons même pas partie. 

Mon plus ancien, lointain souvenir, c'est donc ça. Un petit moment comme suspendu et auquel je me raccroche pour qu'il reste encore dans mon esprit, aussi parfaitement clair et tangible que je pourrais presque le toucher, le prendre dans mes bras et le serrer, comme un symbole de ma petite enfance si simple et insouciante. Mais en même temps enveloppé d'une espèce d'aura, de brume tel un joli rêve dont on ne veut pas sortir. Je le chéris ce petit morceau de moi.

Et toi, du plus loin dont tu peux te souvenir, quel est ce moment qui te reste gravé?

Commentaires

  1. c'est sans doute parce que cette saucisse était exellente. En tous un souvenir de quand tu avais 2 ans c'est pas banal peu ont des souvenir d'un si petit âge. Amitiés

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    1. C'est sans doute parce que ce souvenir est tellement banal qu'il m'est resté ! Merci de ton passage, Renée !

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  2. mon plus ancien souvenir , je devais avoir 2 ans aussi , moi jouant avec les pelotes de laine de ma grand-mère qui maugréait en espagnol ....ça c'est ma version douce et angélique ....mes parents m'ont raconté qu'ils m'ont retrouvé boudeuse en mode 'nan, je rangerai pas ' ...mais de ça , aucun souvenir ...:-)

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    1. Peut-être qu'avec le temps, notre cerveau édulcore un peu ses souvenirs ? En tout cas c'est super précieux... Merci d'avoir partagé le tien avec moi !

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